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AUJOURD'HUI, ON EN EST OU?

Pas facile de retracer en quelques pages la vie d'un projet septuagénaire...

Challenge sans doute osé... Mais peut être pas plus que celui de répondre à votre légitime question: « D'accord, mais aujourd'hui, on en est où?»

 

Dans les pages précédentes (notamment chapitres 7 et 8), nous avons expliqué pourquoi, au delà de ne pas être favorable aux projets de déviations, nous nous sommes carrément opposés à ce projet de Déviation Sud Ouest d'Evreux .

Cette opposition, nous avons toujours tenu à la manifester par les moyens, tous les moyens que la démocratie met à la disposition de chaque citoyen à titre privé (ou public) et de chaque organisation citoyenne, le plus souvent dans le cadre de l'intérêt général. Ce qui est notre cas...

 

Rappelons à grands traits notre parcours juridique d'opposants,

 

N'oublions pas que cette opposition s'est exprimée dès l'année 1990 avec alors l'espoir qu'il suffirait de se mettre autour d'une table dans un état d'esprit constructif et d'écouter les arguments de chaque partie pour ensuite élaborer un projet commun remplissant le double cahier des charges : celui des besoins des habitants et celui du respect des environnements publics concernés.

L'AUFÉE déjà ne ménageait ni son temps, ni son énergie, et sûrement pas son intelligence créative.

Mais seul le silence lui répondait, à croire que le projet était abandonné, vu tous les défauts qu'elle avait avec rigueur et méthode mis en lumière un à un.

Treize ans plus tard, le clairon sonne l'urgence du réveil: la DUP déclarée en 1999, prorogée en 2004, puis en 2009 pour 5 ans supplémentaires, oblige à ce que le chantier démarre avant son expiration irréversible en 2014.

Fin 2012, est diligentée l’enquête publique pour mettre aux normes la DUP guignée par l'obsolescence, en la complétant d'une conformité «Loi sur l'eau».

Le timing est extrêmement serré. Cela suffit-il à expliquer le caractère incomplet des dossiers présentés au public?

 

 

Quelques rappels, en accéléré :

 

Fin décembre 2013 nous déposons un référé en urgence. Pourquoi? Parce que c'est le seul moyen juridique de demander que le chantier n'ouvre pas ; c'est à dire que l'on ne commence pas à arracher les arbres, avant d'avoir remédié aux lacunes des études que nous dénonçons, ou qu'il soit reconnu que ce ne sont pas des lacunes, mais de véritables incompatibilités entre le tracé choisi et le projet à réaliser.

Comme pour tout référé, le jugement est rapide: le 16 janvier 2014, notre requête est déboutée au motif que l'urgence n'était pas avérée... Or, beaucoup se souviennent que l'abattage des arbres a commencé aux premiers signes du printemps...

 

Ayant utilisé la seule cartouche permettant que le chantier ne démarre pas dans un tel état d' impréparation, nous n'avions plus que les recours pour faire valoir les multiples manquements de la phase préparatoire.

Qui dit recours, dit lenteur. C'est le fonctionnement de la justice qui fait durer en moyenne 2 ans la période d'instruction. Mais cela ne ralentit en rien l'avancement du chantier. Ce qui a freiné l'avancement du chantier, ce ne sont pas, nos actions en justice, mais précisément la mauvaise préparation que nous dénoncions. La spectaculaire découverte de plus de 5000 tonnes de déchets amiantés en est une triste et inacceptable illustration!

 

Nos deux recours ont été jugés ensemble avec les péripéties que vous savez... audience ordinaire du 15 décembre 2015 (pile poil 2 ans après le dépôt). Le rapporteur public demande l'annulation des deux arrêtés préfectoraux concernés par nos recours. Suit une période de 3 mois pendant laquelle le tribunal manifestement troublé, cafouille, puis annonce une deuxième audience, extraordinaire celle là!

En effet, puisque c'est dans ce contexte que le 15 mars 2016, le même rapporteur public soutient mot pour mot la démonstration exactement inverse de celle du 15 décembre...

"1,2,3.Je rappelle le droit, 4,5,6. ?"  

 

Et enfin le jugement du 26 Avril 2016 tombe:

 

L’arrêté́ du 17 juin 2013 par lequel le préfet de l’Eure a autorisé la réalisation de la déviation sud-ouest d’Evreux section Cambolle - Les Fayaux est annulé en tant qu’il ne comporte pas de mesures permettant d’éviter, limiter ou compenser la dégradation de la qualité́ de l’eau de l’Iton.

Peut-on parler de jugement? En quoi le Tribunal a t-il tranché? Qu'est ce qui est autorisé et qu'est ce qui ne l'est pas? A cette occasion, nous avons encore appris beaucoup! Il y aurait des arrêtés préfectoraux qui peuvent être annulés partiellement (ce serait le cas de celui ci) alors que d'autres ne pourraient qu'être annulés entièrement. A quoi les reconnait-on? Merci de nous le faire savoir...

Dans le cas de la déviation, l 'arrêté du 17 juin 2013 serait donc «sécable» … Soit, mais on coupe où …? Pas facile , dans un arrêté autorisant un chantier au titre de la Loi sur l'Eau et ne traitant que de cet aspect, de trouver les passages qui ne concerneraient pas l'eau et sa qualité...

Et puis, combien seriez vous prêts à parier que la Préfecture, en tant que représentante de l'Etat (responsable du projet) déciderait des mêmes annulations que nous ?

La caractéristique de ce jugement, c'est de ne pas en être un: il ne tranche rien lui-même, et ne donne aucun critère de mise en œuvre.

 

Alors que faire ? Deux solutions s'offraient à nous.

 

- Soit nous entérinions le jugement et nous nous engagions dans une surveillance particulièrement méticuleuse de chaque étape de la suite du chantier. Mais, cela ne vous a pas échappé, la plus grande partie du chantier est inaccessible à la vue. Et puis, dès la découverte d'une infraction , comme ce fut déjà le cas, que faire? Un nouveau recours?

Nous l'avons déjà dit, déposer un recours, ce sont des heures et des heures de travail, des mois et des mois d'attente avant de passer en jugement. Et déposer recours sur recours ne peut être en soi un objectif constructif, et encore moins pour des associations ayant décidé de regrouper leurs propres thématiques pour en envisager les points communs et la cohérence globale. Se mobiliser plusieurs années sur le même projet est frustrant et lassant, même s'il touche plusieurs problématiques environnementales, en plus de la question de la qualité de l'eau .

- Soit nous suivions la proposition du tribunal qui rappelle en fin de ses délibérés «Vous avez deux mois pour faire appel de ce jugement».

Faire appel, c'est se tourner vers un avocat habilité, c'est à nouveau rédiger des mémoires, c'est encore attendre pour que le dossier passe en audience. C'est aussi, non pas chercher à retarder le chantier, mais augmenter considérablement les chances d'une exécution la plus prudente et la plus soignée de ce même chantier.

C'est pourquoi nous avons fait appel à la Cour dappel de Douai, le 27 juin 2016, décision mûrement réfléchie jusqu'à la dernière minute car nous espérions un rendez vous avec le nouveau préfet que nous avions sollicité par courrier.

Quant au chantier, il a repris sur décision préfectorale, sans même attendre l'évacuation de la totalité des déchets amiantés. Des quantités non négligeables sont encore là, en attente de trouver place dans un lieu d'accueil approprié.

Les services préfectoraux sont inévitablement confrontés au problème engendré par le «jugement-du-26 avril-qui-ne-résout-rien».

Qu'est ce qui, de l'arrêté du 17 juin 2013 serait autorisé, parce qu'il garantirait la qualité de l'eau de l'Iton ? La topographie du tracé, avec un très fort dénivelé ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre ! Le risque de pollution de l'Iton est omniprésent.


C'est précisément ce sur quoi l'AUFEE, puis ENE n'ont cessé d'alerter depuis plus de 25 ans, en insistant tout particulièrement sur les risques de pollution de la nappe phréatique...

Mais, même si cela peut paraître paradoxal, l'eau potable ne relève pas de la Loi sur l'Eau!

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