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Forêt saccagée et promesses de compensation
Il faut d’abord rappeler qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle forêt. Ses propriétaires successifs et la proximité du château de Navarre font que ses allées ont été foulées par beaucoup de « people » de l’Histoire de France : Charles le Mauvais et sa descendance, François Ier, les ducs de Bouillon, Louis XV, Joséphine bien sûr, et plus près de nous la baronne de Mandell d'Ecosse et le prince Jean De Broglie.
Il est probable que les noms de ces allées, Charles, Berthe, Benjamin, Rohan, sous-entendent pour chacune d’elles une histoire, qui a peut-être été étudiée d’ailleurs. Seule certitude étant donné le passé aristocratique de cette forêt : le Potier du chemin n’est sûrement pas l’auteur de l’Internationale
Suite à l’assassinat de Jean De Broglie le 24 décembre 1976, ses héritiers bénéficièrent de la loi Serot de 1930 imposant une bonne gestion de la forêt et l’ouverture au public en échange de l’exonération des droits de succession.Tout allait bien et les promeneurs ne cherchaient pas à savoir si la forêt était publique ou privée dès lors qu’elle était accessible sans contrainte.Jusqu’au jour où la partie la plus proche de la ville commença à être l’objet de vente, puis de revente.
Sentant venir le vent de la spéculation foncière un certain nombre d’amoureux de cet espace créèrent l’AUFEE afin d’inciter la municipalité à acquérir les 400 ha de la partie la plus proche de la ville.Avec très peu de moyens mais une volonté farouche d’atteindre leur but les membres de l’AUFEE réussirent à convaincre les conseillers régionaux d’accorder une subvention à la Ville. Même démarche auprès de l’Etat par la mairie et mise en route d’une Déclaration d’Utilité Publique au même titre qu’un monument historique. La DUP fut prononcée au bout de 8 ans de travail et la forêt d’Evreux fut la deuxième en France, après celle de Fontainebleau, acquise par voie d’utilité publique. Fin 1990 les panneaux « forêt privée » ont être décrochés.
Forêt historique - Propriété de la communauté - Collée à la ville … Un peu comme les bois de Boulogne et de Vincennes à Paris, comme Central Park à New York, sauf que dans ces 2 villes, il est très improbable qu’une autoroute un jour aille les couper en 2 !…A Evreux on a osé! Le déboisement atteint 200m de large par endroits (les Champs Elysées à Paris font 180m de large!). Ceux qui ne seraient pas allés voir ça, peut-être vous, et qui attendent impatiemment la déviation, doivent impérativement aller sur place pour voir l’étendue des dégâts. Et ensuite se demander si ça ne valait pas la peine de passer ailleurs ou, à la rigueur, de détruire beaucoup moins large.
Quant aux compensations l’argument de deux arbres plantés pour un abattu a été maintes et maintes fois avancé comme justification. Certes c’est la loi mais la quantité ne fait pas la qualité. Il faudra attendre au bas mot 120 ans pour retrouver des arbres semblables à ceux que l'on a abattus en quelques jours. Et 50ha isolés ne font pas une forêt, mlême si des arbtres y poussent.
Les 25 hectares abattus en 2014 ont quand même donné lieu à un début de compensation : une vingtaine d’hectares à la Queue d’Hirondelle, sur un terrai dont la Ville d’Evreux. 37000 jeunes pousses y auraient été plantées, mais beaucoup, probablement mal protégés, ont fait les délices des animaux sauvages. 12 000 autres n’ont pas résisté à la sécheresse estivale. Ils ont été remplacés en 2016.Il se dit que les 30 hectares manquants seraient difficiles à trouver, et effectivement, si les recherches n’aboutissent pas après tant d’années, c'est bien qu’il y a un problème.
Pour le moment on est donc loin des 50 hectares promis. Et encore plus loin de la richesse de l'écosystème sacrifié.
En effet, les conséquences sur la faune, la flore, la qualité de l’air, celle de l’eau sont inestimables, comme on le verra dans un prochain chapitre.
Mais, une forêt de milliers de chênes centenaires, c’est l'habitat très prisé de la faune sauvage, celle que l'on voit à l'oeil nu, que l'on cueille, que l'on observe, que l'on apprend à connaitre. Cest cet habitat qui est parti à la décharge ou transformé en palettes de manutention.
Cette forêt est la seule des alentours à ne pas « être chassée ». Les sangliers et les chevreuils locaux l'ont bien compris et s'y réfugient depuis des dizaines d'années.
Au grand dam des chasseurs des forêts privées autour. Aussi, la fédération des chasseurs(1) , autorisée par la préfecture, décréte des “battues administratives” ou encore des “tirs de régulation” (c'est la même chose), ce qui ne manque pas de précipiterer les bêtes affolées vers les forêts voisines, à portée des fusils de ses adhérents.
Dans l'état de maltraitance où se trouve la forêt, arrachée à blanc, éventrée, cette pratique des “tirs de régulation” dépasse l'entendement. Nous avons donc demandé à la Fédération des Chasseurs (1) de surseoir aux prochains tirs.(2)
(1) La Fédération des Chasseurs de l'Eure a en charge la gestion de la forêt de La Madeleine. Elle décide des jours de battues et elle a le pouvoir de police qui lui permet d'interdire l'accès de la forêt au public ces jours-là afin d’assurer la sécurité.
(2) C'est à son directeur actuel , Mr Gavard-Gonvallud, que nous avons demandé, par courrier resté sans réponse, d'annuler les prochaines battues.