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L'exploitation de nos forêts !
Parcourant les nombreux massifs forestiers aux alentours d’Évreux à pied, à vélo ou en courant, je reste, depuis deux ou trois ans, stupéfié par les saignées que je découvre de plus en plus ...
Que ce soit au sud, sur Arnières, Les Baux Ste Croix… ou bien ou Nord, sur Tourneville, Brosville, Bérengeville, Houetteville… on aperçoit de plus en plus, au détour d’un chemin, tout un pan de forêt complètement rasé !
Des surfaces de dizaines d’hectares qui semblent avoir subi le passage d'un cyclone. J’ai l’impression que plus une commune n’est épargnée.
Souvent, je découvre une jolie pancarte au nom d’une compagnie d’abattage ou d’un service forestier, nous expliquant «… qu’ici dans un but de préservation de l’environnement, on gère la forêt… »
J’aurais dû me sentir rassuré, mais dans une époque où tout est dans la façon de communiquer, j’ai voulu en savoir plus.
J’ai posé quelques questions aux hommes qui, tronçonneuse à la main, faisaient tomber en quelques instants et dans un fracas épouvantable, des arbres que la Nature avait mis des dizaines et des dizaines d’années à faire pousser.
La réponse est toujours la même et rejoint le contenu des pancartes. Mais est-ce bien surprenant ?
« La forêt a besoin d’être entretenue »
J’ai objecté que les forêts s’étaient passées de l’entretien de l’Homme pendant des milliers d’années et s’en étaient plutôt bien portées. J’aurais pu ajouter que depuis que l’Homme s’occupe de régenter la Nature, le résultat n’est pas vraiment probant !
Mes interlocuteurs eux, auraient dû ajouter :
« … entretenue pour l’intérêt de l’homme ».
On sait qu’actuellement le cours du bois flambe.
Les forêts domaniales comme celle d’Évreux (St Michel ou La Madeleine), sont des forêts « propres ». On est loin d’une forêt « libre » et donc plus proche de l’état naturel par son impénétrabilité. Là encore « l’entretien » n’est pas pour l’intérêt de la forêt mais pour celui des promeneurs…
Quoique une objection est que l’éclaircissement permet la pousse des jeunes arbres et une régénération plus rapide.
Intérêt pour qui ?
Si on repasse aux mêmes endroits quelques longs mois plus tard, que voit-on apparaître au milieu du chaos : des rangées de petits conifères.
Autre question qui me venait alors : est-il bien conseillé pour l’environnement de quasi systématiquement remplacer nos feuillus par des résineux ?
Là encore la réponse dépend du point de vue où on se place et est bien connue :
« cette variété pousse vite et se vend bien »
Mais une autre réponse plus « écologique » est apparue :
au vu du réchauffement prévisible, ce serait un moyen de se prémunir contre la destruction de nos forêts !
Est-il bien certain que les conifères plantés sont des variétés résistantes à des températures supérieures ?
Et d'ajouter ces remarques subsidiaires :
- la destruction totale du milieu avant replantage par le passage d’engins de plus en plus gros et qui aplatissent et retournent la terre sans ménagement, ne fait-il pas disparaître (temporairement je veux bien) une diversité de vie (mammifères, insectes, oiseaux, invertébrés dans le sol) dont on connaît la fragilité ?
-la pousse de ces plantations, envahies rapidement par la végétation autochtone, demande des traitements chimiques,
- une forêt de conifères n’abrite que peu de vie par rapport aux feuillus : moins d’abris et de cachettes, végétation moins dense et diversifiée, moins de ressources alimentaires…
J’ai creusé la question en me demandant si, après tout, il existait une « centralisation » nationale de la gestion qui assurerait que l’équilibre entre peuplements d’essences diverses soit respecté ?
Actuellement, le rapport Feuillus/Résineux est de 70/30 %.
L’ONF ne gère que les forêts « publiques » : domaniales, communales… Étant un organisme public, on peut estimer que sa gestion est favorable à l’environnement. Cependant sa récente réforme (2020) peut faire craindre sa privatisation rampante et un souci de rentabilité peu en adéquation avec la protection des forêts !!
Les forêts privées : elles sont soumises à un schéma régional de gestion sylvicole (SRGS) sous l’autorité de la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt. Ce document indique les méthodes de gestion préconisées pour ce type de forêts.
La consultation en ligne de ce document de 2006 (un nouveau est mis en chantier depuis 2020) extrêmement complet, apporte, pour les questions qui me préoccupent, les précisions suivantes :
- prise en compte de l’évolution climatique,
- les surfaces boisées ont augmenté entre 1975 et 2003 de 5,3%,
- ratios feuillus/résineux : la Haute-Normandie est constituée de 80% d’essences feuillues mais la part des résineux augmente constamment.
Je n’ai pu accéder aux informations contenues dans le nouveau projet donc je ne sais pas si cet aspect est pris en compte.
Pour en terminer, quelques photos des engins qui remplacent les hommes à la tronçonneuse : d’énormes machines ressemblant à des pelleteuses mais de bonne taille !
J’en ai vu 2 types à l’œuvre :
un 1er type, avec une énorme cisaille coupant le tronc de l’arbre à sa base,
un 2ème type, avec une lame coupante pour tronçonner.
On peut aussi se poser la question du bilan carbone d’un tel engin : construction et utilisation !
Lorsqu’on vante le chauffage au bois, qui contribue par ailleurs pour une large part à la pollution aux particules fines,
combien de litres de gasoil consomme cette machine, pour effectuer une coupe ?
Jean-Louis Pillet
Adhérent de ENE