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Enquête publique PLU Evreux : notre déposition
Monsieur le Commissaire enquêteur ,
Veuillez trouver ici nos observations relatives à l’enquête publique du PLU d’Evreux :
Nous commencerons par des regrets appuyés relevant de la forme , puis suivront des remarques de fond .
Première observation : nous regrettons le déficit notoire de publicité officielle (au delà du strict respect de ce que la législation impose) dont a souffert cette enquête publique . A part la publication dans la presse, nous adhérents , de même que nos amis et connaissances , nous n'avons eu d'information d'aucune autre façon . Les panneaux municipaux informatifs n'ont diffusé aucun rappel durant les trente jours entre l'ouverture et la clôture . Nos boites électroniques ont continué à recevoir des informations en provenance de divers services de la Ville ou du GEA, mais pas la moindre incitation à accomplir cet acte citoyen . Dans cette ville qui se réclame de la Démocratie Participative, aucune aide n'a pu être obtenue pour réunir le conseil d'un quartier, dont une séance prévue durant le déroulement de l'enquête a été annulée au motif que les élus concernés n'étaient pas disponibles, sans même que les conseillers ne soient consultés !...
Par contre, nous remercions la presse qui a pleinement joué son rôle en relayant nos efforts pour susciter l'intérêt des ébroïciennes et ébroïciens .
Il faut reconnaître que la tâche citoyenne n'est en rien facilitée ! La somme de documents est quantitativement dissuasive, et qualitativement d'un abord souvent difficile pour les non-spécialistes que nous sommes pour la plupart d'entre nous .
Mais, et c'est notre deuxième observation sur la forme, que penser d'une telle somme de travail pour constituer le dossier , d'une part, et pour l'analyser d'autre part , alors que le nombre de motifs de réserve pointés, par exemple par les services préfectoraux, s'étale sur 3 pages : absence de certaines études pourtant nécessaires, nombreuses inexactitudes, renseignements incomplets, emplacements incorrects … Ce triste inventaire n'est pas anodin. On peut lire dans ce même rapport (page 1/3) que cela « constitue un manquement important à la solidité juridique de ce document» .
Mais, la préfecture n'est pas la seule collectivité territoriale consultée. Deux d'entre elles recoupent des erreurs et oublis signalés dans ce premier dossier Mais le plus inquiétant pour nous est la remarque du CAUE27. Après plusieurs remarques sur l'inadéquation , voire la contradiction entre les objectifs annoncés dans le PLU et le classement des zones les plus impliquées (notamment les quartiers Nord et Sud de la gare ) , le CAUE déplore que les conseils qu'il a fournis n'aient pas été pris en compte, et qu'il ne peut donc que les réïtérer …
Très inquiétant pour les contributeurs de cette enquête publique … Si la rumeur qui dit qu'une fois de plus, il s'agit juste d'une formalité du style «Donnez votre avis , nous n'en ferons rien!», alors il ne sera pas utile de chercher plus loin les causes de la faible participation ! ...
Dans de telles conditions, comment espérer du citoyen un investissement d'une qualité et d'une rigueur que les auteurs du dossier n'ont pas atteintes eux mêmes , peut être par manque de temps ? D'ailleurs , pourquoi ne pas avoir d'abord élaboré, présenté et soumis à la population le Plan de Déplacement Urbain (PDU), avant le Plan Local d'Urbanisme, comme la logique semblerait l'imposer même au plus néophyte ?
Quant aux citoyens engagés, militants, sur quoi sont-ils appelés à s'exprimer : un dossier émaillé d'erreurs, d'oublis … Bref, une copie à revoir ? Et nous devrions la tenir pour valable ? Comme nous sommes loin de l'esprit de la loi du 12 juillet 1983 , dite loi Bouchardeau, relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement !...
Pour nous, ce n'est sûrement pas «la messe est dite», ce serait plutôt «quand commencera la vraie consultation publique ?» après ce galop d'entrainement trop hâtif...
Cependant, nous avons passé beaucoup de temps à éplucher le dossier en l'état où il nous est présenté et nous souhaitons, Monsieur le Commissaire Enquêteur, vous transmettre nos remarques de fond sur quelques points particulièrement significatifs.
Par exemple, Le terrain d'application du Lycée Horticole et Paysager d'Evreux . Situé en bordure Sud du Boulevard du 14 Juillet ,il doit être conservé en zone non constructible N. D'importants investissements effectués par la région Haute Normandie ont été faits pour cet enseignement qui attire de nombreux élèves de différentes régions. La Ville et de son agglomération bénéficie de cet apport, ainsi que de son rayonnement dû à la diffusion des savoirs et de leurs applications dans les différentes structures environnementales locales publiques et privées.
L'atelier de conception et réalisation d'aménagements paysagers a un avenir prometteur avec la sensibilisation de plus en plus grande du public. Il doit perdurer.
Les jardins familiaux voisins du Lycée Horticole et Paysager contribuent au lien social, outre l'utilité matérielle et pratique dont bénéficient les familles participantes. Ces différents espaces verts marquent une rupture avec la ZUP de la Madeleine voisine. Ils doivent également être conservés en l'état.
Il est vraiment très surprenant de constater, d'après les graphiques et les plans complexes fournis dans ce dossier, que le Pré du Bel Ebat puisse devenir constructible sur la moitié de sa superficie. C'est en 1873 que cet espace fut entouré d'une digue, à la suite de la crue de 1866, pour devenir un réservoir d'eau indispensable en centre-ville. Il continue de remplir cette fonction, le Bel Ebat est un lieu privilégié pour satisfaire aux obligations de la municipalité en matière de traitement et de retenue des eaux pluviales.
C'est un espace plat à l'amont immédiat du rejet dans l'Iton de l'important déversoir des eaux de la Madeleine (8m3/s en temps d'orage).
Tout projet visant à bétonner une partie de ce terrain va à l'encontre des mesures préconisées par le Plan de Prévention des Risques d'Inondation. Si des constructions sont envisagées sur ce site, elles doivent répondre aux impératifs de sécurité relatifs au bâti sur zones inondables, ce qui entraine un coût supplémentaire conséquent (le projet de la SMAC en est une illustration spectaculaire) .
Il nous semble préférable de le conserver comme espace vert au coeur de la ville, en maintenant l'unité du lieu et sa longue tradition d'espace libre propice aux installations éphémères festives ou culturelles.
Il en est de même pour les friches naturelles : tout autant par attachement et respect de l'histoire de la ville que par anticipation de son avenir, nous demandons le maintien du classement en zone N des Friches de la Poterie, du Buisson et de la Madeleine et de tous les actuels espaces verts ._
L’histoire de ces terrains, d'une part et leur vocation d’espace de nature se trouvent renforcées par le Grenelle de l’Environnement recommandant le maintien d’une trame verte et bleue en ville pour préserver la biodiversité. La ville de Montreuil a su donner un statut particulier à ses espaces verts et parcs . Evreux peut s'en inspirer …
Notre ville a acquis de longue date une image de Ville Verte. Alors que celle ci devrait être renforcée, on voit insidieusement se mettre en place les outils de sa régression . Plusieurs espaces verts de la ville ne seraient plus à l'abri de tout projet d'aménagement .
Ces espaces , qui ont aussi un rôle social , sont un élément majeur quant au ruissellement des eaux pluviales. Or, si le dossier mentionne bien leur collecte, leur traitement et leur évacuation ...il se borne à déplorer «…il reste beaucoup à faire…».! Mais, n’attend-on pas d’un PLU que, face à un problème identifié, il aille plus loin et réserve les espaces nécessaires à la solution ?
N'ayant rien trouvé de tel dans le dossier soumis à enquête, nous considérons qu’il s’agit là d’une lacune. Une lacune d’autant plus grave que nul ne peut exclure l’éventualité qu’une crue de l’Iton s’accompagne un jour de fortes pluies d’orage, avec des ruissellements convergeant depuis les collines de St François et de St Michel...
Un véritable réseau d’eaux pluviales est donc une nécessité que le PLU doit anticiper, et dans un tel réseau le rôle des friches des hauteurs et du Bel-Ebat n'est plus à démontrer..
Est-il besoin de rappeler que notre association est particulièrement attachée à l'idée d'une ville où les économies d’énergie, la maitrise des déplacements, l’emploi sont les maîtres mots d’une politique résolument tournée vers l’avenir.
La municipalité évoque la possibilité d’un écoquartier lors de la restructuration de la Cité Lafayette. Or il nous apparait que ce lieu n’est pas le mieux choisi pour une telle première expérience.
Loin du centre ville, mal desservi par les transports en commun, plutôt cité dortoir que lieu d’activités, il ne suffit pas de faire quelques constructions respectant les dernières lois en matière d’économie d’énergie pour répondre à cette définition.
Les quartiers de la Madeleine et Nétreville auraient tout à gagner à être transformés en écoquartiers en utilisant intelligemment tout le potentiel existant (bonne desserte par les transports en commun, proximité de la gare pour la Madeleine, cheminements doux nombreux, proximité des zones commerciales et industrielles pour ces deux quartiers, équipements en services publics, chauffage alimenté par la centrale de chauffe à la biomasse, espaces propices à la création de jardins partagés,...).
Les populations de ces quartiers étant à majorité celles aux revenus les plus faibles seraient plus facilement mises la tête hors de l’eau en leur offrant des logements rénovés à faible consommation énergétique, avec des déplacements facilités puisque la plupart de ces habitants n’ont pas de voiture.
D'ailleurs, l'une des conditions de réussite d'un écoquartier est la concertation avec les habitants et celle ci doit s'inscrire dans la durée (2, 3 ans , ou même plus) . Se contenter du projet conçu par un promoteur aussi expérimenté soit-il, c'est ne voir que l'aspect matériel de la construction écologique (sobriété de consommation énergétique , en eau ...) . Rien de comparable avec l'ambition que nous soutiendrions énergiquement de réaliser un Ecoquartier digne de cette appellation, c'est à dire , prenant en compte la totalité de la vie quotidienne de sa population la plus composite possible, pour un mieux vivre ensemble .
A ce sujet, le fort taux de logements vacants pourrait alors offrir des perspectives de diversité sociale retrouvée (puisque c’était le cas à la création de ces deux quartiers dans les années 60/70) si la population d’Evreux venait à croître rapidement (ce qui ne semble pas assuré, d'autant que la municipalité ne fait pas preuve d'une grande détermination pour rendre Évreux attractive en matière d’emploi). C’est un enjeu, un défi formidable pour la Ville de faire de ces quartiers des nouveaux modèles de vie avant que les conditions de dégradation de l’environnement ne nous y obligent tous à le faire de façon contrainte.
Dans le même temps et toujours pour satisfaire aux exigences environnementales, le centre ville doit retrouver toute sa vocation de lieu d’habitation, de commerces, de lieu de culture et d’animation etc. Il est impératif de trouver des solutions pour rénover le grand nombre de logements vacants en particulier au-dessus des commerces, même si ENE est consciente des difficultés que cela sous-entend.
Mais gérer la Ville et pour cela définir un PLU, doit éviter de tomber dans la facilité en déclassant des espaces naturels indispensables à la qualité de vie citadine en espaces à urbaniser. Cela n’aurait pour effet que de contribuer à alimenter le marché des promoteurs. Il faut casser ce modèle de développement d’une ville telle que nous l’avons connu dans la deuxième partie du siècle dernier.
C’est la volonté de changement qui doit ouvrir les portes de l’imagination des aménageurs et non celles d’une économie qui ne profite qu’à une petite partie de la population.
En conclusion:
L'étape de la conception d'un plan Local d'urbanisme est une étape très importante qui permet de:
-
renforcer l'identité de la ville en tournant délibérément le dos au clônage généralisé des
entrées de ville et autres standardisations qui conduisent à des réalisations stéréotypées. D'où notre insistance relative au maintien absolu de l'inconstructibilité des friches et espaces verts .Egalement, notre intérêt pour le patrimoine architectural nous amène à demander le renforcement de la protection des bâtiments remarquables du XIXème siècle
(les Usines de Navarre,...) , des constructions réalisées par l'architecte Novarina
(Eglise de Saint Michel , ...) , de l'Ecole Normale d'Institutrices (IUFM), mais aussi des
Halles de La Madeleine , de la Tour Aulne … -
jouer sur ses atouts :
Le lycée Horticole est un excellent exemple . Opportunité de préservation de l'environnement par la nature même de son activité, et pôle attractif pour une population jeune, tournée vers la nature.Pour lui donner envie de rester vivre et travailler ici, afin de revitaliser la ville, orientons nous résolument vers une très haute qualité de l'eau, de l'air, de l'environnement … Autant d'atouts qui profiteront à tous les habitants et génèreront des activités et des besoins en formation .
Le PLU est donc une belle occasion de valoriser ce qui est souvent présenté comme un
handicap : la baisse de la population ébroïcienne en général s'accompagne aussi de la baisse du nombre de personnes disposant d'un emploi .On ne peut plus et on ne doit plus cacher la paupérisation d'une part grandissante de la population.
Au contraire, faisons de ce constat (que nous regrettons) le tremplin d'un nouveau développement de notre ville vers une urbanisation plus accueillante, plus inventive et plus écologique , ainsi que nous l'a brillamment présenté Thierry Paquot le 7 juin lors de sa conférence «Métamorphoses de la Ville de demain ».